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caoua

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Message par gabé Dim 11 Mai 2008 - 2:39

Si le café est un poison, c'est un poison bien lent, car je bois plusieurs tasses de café par jour depuis 80 ans, et ma santé n'en est pas encore sensiblement altérée.
Fontenelle

Le mystérieux "
caoua"


Et l'Occident ? jusqu'à la fin du XVIème siècle, on n'y sait pratiquement rien du café. Parmi les premiers à en avoir parlé, le botaniste Italien Prospero Alpino, qui enseignait à Padoue, s'intéressait surtout à ses vertus thérapeutiques.
Les Turcs, selon lui, utilisaient une décoction de café pour lutter contre la « froideur » de l'estomac et toutes sortes troubles digestifs : engorgement du foie ou de la rate, constipation, douleurs diverses ;
censé "
nettoyer"
les organes internes, ce mystérieux caoua était aussi considéré comme souverain dans les cas d'inflammation de la matrice. Quant à Pietro Della Valle, humaniste vénitien qui voyagea longuement en Orient au début du XVIIème siècle, il écrivait en 1614 : "
Les Turcs ont une boisson de couleur noire qui rafraîchit quand on la boit l'été et réchauffe en hiver : elle est pourtant toujours la même et se boit chaude, à petite gorgées, en dehors des repas, pour le plaisir de la compagnie et de la conversation. Pour la préparer, il faut un bon feu et une multitude de petits gobelets remplis de cette denrée ;
des hommes sont là qui ne font rien d'autre que servir les gobelets à toute l'assistance et distribuer des pépins de courge, pour aider à passer le temps."

Le "
breuvage venu du Styx"
, comme le définit à la même époque un voyageur anglais, faisait donc en Europe de timides apparitions. Son entrée officielle dans notre histoire est cependant postérieure de quelques décennies : on la fixe généralement à l'année de la défaite des Turcs sous les murs de Vienne, il y a juste un peu plus de trois siècles.

L’infiltration de l’Occident

L’immense périple du café commence par Venise. Rien d'étonnant à cela si l'on pense aux liens étroits qui unissent la capitale, de l'empire turc à la ville des Doges, depuis plusieurs siècles. En effet, bien avant l'arrivée des Turcs et alors que la ville porte encore le nom de Constantinople. Venise la toute puissante y envoie ses galères pour venir en aide à Alexis Comnène, l'empereur chrétien assiégé par les Normands. Après la victoire des Vénitiens, d’importants privilèges commerciaux leur sont concédés en gage de reconnaissance.
En 1126 le fils d'Alexis, Jean II, que l'on a appelé le Bon Roi Jean leur attribue tout un quartier de la ville situé près de Galata, un des plus beaux emplacements de la Corne d'Or. Sur cette bande de rivage, les Vénitiens aménagent plusieurs quais de débarquement pour leurs navires. Ils construisent aussi de nombreuses maisons d'habitations. des boutiques, des entrepôts et même trois ou quatre églises. Ils sont vraiment chez eux et pendant plusieurs siècles ils se livreront à un commerce très actif avec Venise.
Même la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, n'interrompra pas les échanges avec l'Occident. Les Vénitiens de Constantinople ont, bien entendu, assisté à l'arrivée du café dans la ville. Comme les Turcs, ils ont pris l'habitude d'en boire en toute occasion.
C'est ainsi que Pietro della Valle, écrivant de Constantinople en 1615, parle de cette boisson noire, rafraîchissante en été et qui l'hiver réchauffe le corps en restant pourtant toujours la même. Il dit aussi qu'on l'avale très chaude comme si elle sortait du feu, lentement et par petites gorgées, en compagnie de ses amis car il n'y a pas de réunion sans cette boisson que les Turcs appellent "
cahué"
et qu'ils préparent avec la graine ou le fruit d'un arbre poussant en Arabie. Il ajoute : « Quand je serai sur le point de m'en retourner j'en porterai avec moi et ferai connaître à l’Italie ce simple qui lui est peut-être inconnu jusqu'à présent ».

D'abord l'Italie

Venu d'Orient, le café s'est d'abord imposé en Italie. Venise, qui, après le voyage de Vasco de Gama, avait perdu le monopole des épices au profit du Portugal, demeurait un marché important. Les Vénitiens conservaient un rôle privilégié dans l'importation des usages et des produits orientaux (ils avaient déjà adopté les épices et les raisins secs) ;
ils traitaient des affaires avec les Turcs depuis des siècles et appréciaient leurs coutumes et leur civilisation. C'est à l'ambassadeur de la "
Sérénissime"
à Constantinople, Gian Francesco Morosini, que l'on doit, en 1585, le premier rapport sur la consommation du café. Les Turcs, raconte-t-il, ont l'habitude de "
boire dans les lieux publics et même dans la rue un liquide noirâtre, brûlant, extrait d'une plante qu'ils appellent "
cafetier"
et qui a la propriété de tenir éveillé"
.
Pourtant, au début du XVIIème siècle, à Venise, on ne boit pas encore de café et Piero Foscarini décrit, non sans une certaine ironie, les cafés de Constantinople comme "
des lieux où s'agglomère une foule d'oisifs et de bavards velléitaires qui n'ont d'autre occupation que de consommer, de jouer aux cartes ou aux échecs et de médire sans fin, une pipe à la main, contre le gouvernement, ses ministres et même contre le Grand Turc...
"
Au début de son histoire, la diffusion du café était limitée aux pharmacies. C'est en 1683 que la première boutique de café fut inaugurée sous les Procuraties, elle connut un tel succès qu'aussitôt une centaine d'autres boutiques firent leur apparition, mouvement limité par la décision du gouvernement d'en limiter le nombre à 99 entre Saint-Marc et le pont du Rialto.

Café et diplomatie

A Paris, le café fit son entrée par la grande porte, celle de la cour de Louis XIV, par la grâce de quelques dames de qualité. En ce temps-là, la Turquie éveillait en France une curiosité insatiable et Soliman Aga, ambassadeur du sultan de Constantinople, était l'un des personnages les plus en vue de la haute société parisienne. Il offrait à ses hôtes le café à la mode de son pays. Un breuvage bien amer pour les palais parisiens, mais auquel on se résignait, que ne ferait-on pas pour être à la pointe de la mode ? Pour rendre l'épreuve plus légère, l'une des belles dames de la cour s'avisa un jour d'adoucir son café en y ajoutant discrètement un peu de sucre. Son geste n'avait pas échappé au maître de maison : dès le lendemain, sucre et miel furent mis à la disposition des invités.
A partir de ce moment, le café entra dans les mœurs à la cour. Lorsque Soliman quitta Paris, il laissa derrière lui le souvenir d'une hospitalité raffinée et le goût de cette étrange boisson orientale.

Désormais, les sacs de café arriveraient toujours plus nombreux à Marseille, dans les cales des vaisseaux en provenance d'Orient.

Il fallut pourtant encore bien des années pour que l'usage du café s'étendit à des couches, plus larges de la population. Divers conflits d'intérêt en freinaient la diffusion : les producteurs de vin, par exemple, ne voyaient pas d'un bon œil l'arrivée de ce concurrent. De plus, des rumeurs circulaient à propos des effets néfastes du café sur la santé, et tout particulièrement sur la virilité. Cette fâcheuse réputation, propagée par certains médecins de l'époque, en particulier en France, devait poursuivre longtemps le café, et à travers toute l'Europe

De Marseille à Paris

C’est encore Pietro della Valle qui apporte le café à Marseille en 1644. La Chambre de commerce de la ville s’intéresse tout de suite à cette nouveauté alors que ses habitants y accordent très peu d'attention.
Seuls, quelques rares initiés apprécient cette boisson exotique et parmi ceux-ci, Monsieur de la Roque qui a rapporté de ses voyages au Moyen-Orient, non seulement le goût du café, mais aussi le matériel utilisé en Turquie pour le préparer comme il se doit. Il en boit couramment avec des amis « ayant pris, comme lui, les manières du Levant » comme le dit son fils Jean de la Roque, auteur du "
Voyage de l'Arabie heureuse"
.
Peu à peu, l'habitude de déguster du café se répand parmi les gens de mer et chez les commerçants qui font venir les grains de Turquie ou d'Egypte mais le café ne remporte pas un franc succès comme en Italie, puisqu'il lui faudra vingt ans pour gagner Lyon et Paris. En effet, on ne parle guère de lui jusqu'au jour où il reçoit une sorte de consécration officielle à Versailles, en 1664, lorsque le jeune souverain Louis XIV se fait servir une tasse de café en grande pompe, devant toute la cour, lors d'une brillante réception. Peut-être veut-il marquer ainsi l'intérêt qu'il porte aux nouvelles compagnies de commerce créées par son premier ministre Colbert : la Compagnie des Indes orientales et la Compagnie des Indes occidentales, toutes deux destinées à transporter les denrées exotiques achetées ou cultivées dans des terres lointaines.
En réalité, le Roi ne sera jamais un véritable amateur de café et il préfère, le matin, prendre une soupe ou un bouillon et au goûter une tasse de chocolat épais, fort à la mode depuis peu.
Cependant grâce à son geste spectaculaire on « découvre » le café, du moins à Versailles car à Paris il est encore presque ignoré lorsqu'en 1669 Soliman Aga l’envoyé du Sultan, arrive à la cour du roi Louis XlV chargé d'une mission diplomatique. L'ambassadeur ottoman éblouit toute la capitale par le faste de sa maison et les « turqueries » font fureur. Selon la coutume de son pays, Soliman Aga accueille tous ceux qui lui rendent visite en leur offrant une tasse de café et de nombreuses personnes se familiarisent ainsi avec cette boisson car l'ambassadeur arrivé le 5 juillet n’obtient audience auprès du Roi que le 5 décembre. Il repart en mai suivant et pendant son séjour de dix mois, bien des curieux de Paris et de la cour auront défilé chez lui, s'accoutumant à boire du café à tout moment de la journée ;
mais, contrairement à la mode turque, ils l'aiment sucré.
Après le départ de Soliman, ils continuent à en faire une grande consommation et le commandent en grains, à Marseille.
En effet. Marseille en reçoit maintenant directement de Moka.
Devenue seul fournisseur de café de toute l'Europe occidentale, elle le restera jusqu'en 1710.
En 1672 Pascal, un Arménien ouvre enfin le premier débit de café public parisien à la foire St-Germain. Il se fait aider par un compatriote, un certain Maliban, et par un jeune Sicilien, Procopio, arrivé deux ans auparavant à Paris pour y chercher fortune et qui se contente, pour le moment, d'un modeste emploi chez Pascal. Celui-ci offre « l'arôme nouveau » pour deux sous et demi la tasse à tous ceux qui viennent faire leurs emplettes à la foire ou aux oisifs qui jouent à des jeux d’argent et aussi aux badauds qui se promènent en famille parmi les équilibristes, les montreurs de marionnettes, les prestidigitateurs et les dresseurs d'animaux qui font la joie des grands et des petits.
Puis Pascal quitte la foire St-Germain pour s'installer face au Pont-Neuf sur le quai de l'École, l’actuel quai du Louvre, dans une petite boutique où il propose son café à deux sous et demi la tasse, comme il le faisait à la foire. Mais la clientèle est rare et il ne tarde pas à faire faillite. Il part en Angleterre tenter sa chance, malheureusement il arrive trop tard car le premier café public de Londres vient justement d'ouvrir ses portes.
A Paris. on se désintéresse un peu du café, d'autant que certains médecins l'accusent de toutes sortes de méfaits ;
en particulier on dit qu'il rend les hommes stériles et même impuissants. De temps en temps le café refait parler de lui et l'on assiste à l’ouverture de quelques débits publics, mais aucun ne dure bien longtemps. Les propriétaires se succèdent sans arrêt.
Ainsi en 1675, Maliban qui avait fait ses débuts à la foire St-Germain avec Pascal, trois ans auparavant, ouvre sa propre maison de café au 28 de la rue de Buci. Il passe ensuite rue de Férou près de l'église St-Sulpice puis revient rue de Buci : mais il part bientôt pour la Hollande et confie son magasin à Grégoire son garçon et associé, Arménien comme lui.
Ce dernier quitte la rue de Buci pour la rue Mazarine lorsque la jeune troupe des Comédiens français commence sa carrière dans les salons d'un très bel hôtel que Mansard à construit pour le marquis de Guénégaud, le prédécesseur de Colbert. Mais la troupe doit libérer cet endroit et Grégoire cède sa boutique à un Persan nommé Makara qui lui même laissera son commerce à un Liégeois, Le Gantois.

A la même époque quelques petits commerçants, tous originaires de Méditerranée orientale, passent de maison en maison pour préparer du café à domicile. Certains réussissent à se faire une modeste clientèle d'habitués. L'un deux, le Caudiot, un Crétois, parcourt courageusement les rues de la capitale, en boitillant, tout en transportant son matériel et même un petit fourneau. Il se contente de deux sols par gobelet et fournit le sucre. Plus tard, un autre marchand ambulant, Joseph le Levantin réussit à gagner assez d'argent pour ouvrir une modeste boutique près de Notre-Dame tandis qu'un Syrien de Alep, Étienne, qui a débuté bien chichement lui aussi sur le Pont-au-Change finit par s'installer rue St-André, face au pont St-Michel.
La plupart de ces établissements sont assez mal fréquentés car l'on y vend aussi du vin et de la bière et les honnêtes gens hésitent à y entrer.

Or, tout va brusquement changer avec l'entrée en scène du Sicilien Procopio Dei Coltelli qui attendait son heure depuis son arrivée à Paris en 1670. Il avait débarqué à l'âge de vingt ans et deux ans plus tard on le retrouvait à la foire St-Germain où il aidait Pascal et Maliban à vendre du café en plein vent, pour deux sols et demi la tasse.
Dès 1675, comme Maliban, il ouvre son propre débit de café et s'installe rue de Tournon. Il a le sens du commerce et ses affaires marchent bien. Quelques années plus tard. en 1684, il peut acheter trois petites maisons contiguës rue des Fossés St-Germain, l'actuelle rue de l'Ancienne comédie. Il les réunit en un seul établissement qui existe toujours au N°13 de la rue, sous l'enseigne de "
Procope, le plus vieux café de Paris"
. L'emplacement était particulièrement bien choisi car juste en face, au N°14, se trouvait le jeu de paume de l'Étoile très fréquenté tandis que l'arrière donnait sur le jeu de boules de Malus, l'actuel passage du Commerce St-André.
L'ambitieux Procopio Dei Coltelli a une idée de génie : il va créer un nouveau type de café. Chez lui on sert sur des tables de marbre. Les murs sont ornés de tableaux, de tapisseries, de miroirs luxueux et les plus fines chandelles brûlent dans les lustres de cristal. Cette ambiance raffinée lui attire immédiatement la clientèle des habitués du jeu de paume et du jeu de boules voisins et celle de quelques philosophes du quartier.
Les dames de qualité n'osent pas se montrer chez le Sicilien mais elles font arrêter leur carrosse devant sa porte et on leur sert le café dans la rue, provoquant bien des encombrements.
Bientôt, le monde du théâtre se donne rendez-vous chez lui car la Comédie française est venue s'installer en face dans les locaux du jeu de paume.
Le gentilhomme Sicilien francise son nom et devient François Procope, le plus parisien des cafetiers qui mérite bien le titre de « créateur des café » décerné par la suite.
Lorsque son fils Alexandre lui succède vers la fin du règne de Louis XIV, le « Procope » jouit toujours de la plus grande renommée ;
mais en une trentaine d'années il a fait école et Paris compte environ trois cents cafés publics dont beaucoup sont élégants et confortables. En outre plusieurs salles saisonnières, luxueusement équipées, ouvrent leurs portes pendant les foires St-Germain et St-Laurent. C'est là qu'on voit apparaître, pour la première fois, de grandes cafetières d'argent et des chocolatières assorties. Ces maisons accueillent une foule de promeneurs qui viennent s'y reposer ou qui s'y donnent rendez-vous. Les dames se permettent d'y aller prendre une collation car dans ces établissements très raffinés on sert non seulement du fort bon café mais aussi du thé et du chocolat ainsi que des biscuits et des confitures. On y trouve même des liqueurs pour les messieurs. L'exemple de Paris est suivi par les grandes villes de France en particulier par Lyon, Toulouse et Bordeaux. De plus tous les soldats du roi, des armées de terre de mer, tous recoivent une ration quotidienne de café qui devient vraiment la boisson officielle de la nation. Après cinquante ans d'hésitation et même de réticence, la France adopte le café : désormais rien ne pourra plus le détrôner. Il résistera à toutes les modes.
A Paris, dès la première moitié du XVIIIème siècle. les débits de café ont détrôné, les cabarets "
à pot et à pinte"
. Esprits éclairés et bourgeois s'y côtoient. On y parle toujours de littérature et de beaux-arts, mais on commente plutôt les évènements du jour.
-------------------------------------------------------------------------------
intéressant ?
la chaine marseille proposée ce matin un documentaire sur le café
en disant que le premier cafetier fut à Marseille ......je doute au vue de l'histoire écrite plus haut


Dernière édition par le Dim 11 Mai 2008 - 2:50, édité 1 fois

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Message par gabé Dim 11 Mai 2008 - 2:41

la suite pour celles qui sont interessées

En Autriche

A Vienne au contraire, le café s’installe sans aucune difficulté après avoir emprunté un itinéraire très original. En effet. il y fait son apparition à la fin de la grande bataille que se livrent les Autrichiens et les Turcs sous les murs de la ville en 1683. Conduits par le grand vizir Kara Mustapha surnommé Mustapha-le-terrible ou Mustapha-le-noir, les assaillants sont vaincus grâce aux efforts conjugés des Viennois et de leurs alliés polonais. En s'enfuyant, les Turcs abandonnent derrière eux un énorme butin au milieu duquel on découvre cinq cents sacs de graines noires totalement inconnues. On fait toutes sortes de suppositions à leur sujet mais les questions que l'on se pose sur leur origine et leur utilisation restent sans réponse. Les vainqueurs, bien embarrassés, décident finalement d'offrir cette singulière prise de guerre au valeureux héros polonais Kolschitzky qui s'est distingué dans la lutte contre l’ennemi commun.
A ce propos, on raconte que des boulangers travaillant une nuit près de leurs fours entendirent des bruits inquiétants et s'aperçurent que des ennemis essayaient de creuser des galeries sous les remparts de la ville pour y pénétrer par surprise. Ils purent donner l'alarme en temps utile et Vienne fut sauvée. Pour les récompenser, Ferdinand I leur octroya le privilège de fabriquer ces fameuses pâtisseries en forme de croissant, qui célébraient la victoire remportée sur les Turcs. Cet épisode, bien souvent raconté, n'est mal heureusement pas véridique et n'appartient qu'au domaine des belles légendes ! Cependant Kolschitzky a réellement participé à la victoire de Vienne et on le paya deux cents ducats pour le rôle du messager qu’il avait joué pendant le siège mais on ne lui accorda ni la citoyenneté autrichienne qu’il avait demandée ni la licence de cafetier qu'il espérait bien obtenir. On retrouve une dernière fois sa trace alors qu'il habitait rue des serruriers, dans une maison à l'enseigne de la Bouteille bleue, fréquentée par un certain Deodotus. Kolschitzky ne fut peut-être pas le premier, comme on le dit souvent, à utiliser les cinq cents sacs de café abandonnés par I’ennemi, et ce titre revient sans doute à Johannes Diadoto, un Arménien qui reçut, le 17 janvier 1685, l'autorisation de servir du café, à Vienne en récompense des services rendus aux Autrichiens, assiégés par l'armée turque, en leur servant d'interprète et d'espion tout à la fois. Ce privilège lui fut accordé pour vingt ans.
On a presque oublié cet homme assez étonnant et, curieusement. seul le souvenir de Kolschitzky est resté dans la mémoire populaire. Cet Arménien, Diadoto, né à Constantinople vers 1640, avait séjourné dans plusieurs pays d'Europe durant sa jeunesse, en compagnie de son père, avant de se fixer en Autriche et ceci explique sûrement le rôle qu'il pût jouer pendant la guerre. Établi à Vienne vers 1670 il avait obtenu l'autorisation de faire le commerce des produits turcs, des épices, des tapis d'Orient, des cuirs, des pièces de monnaie... et, à l'occasion, il vendait aussi toutes sortes de renseignements. Il habitait dans le quartier des marchands du Levant et bien entendu ceux-ci furent les premiers à apprécier le café qu'il préparait dans sa propre maison. Mais il fut bientôt obligé de quitter la ville pour aller à Venise où il avait des intérêts. Pendant sa longue absence, qui allait durer dix ans, l’empereur Léopold I accorda à quatre Arméniens, en 1700, le droit de vendre du café, du thé, du chocolat et des sorbets moyennant certaines redevances, contrairement à Diadoto qui en avait été complètement exempté.
Lorsque ce dernier revient à Vienne, il constate que le café a conquis la capitale, rattrapant et même dépassant la plupart des grandes villes d’Europe où il règne déjà depuis le milieu du siècle précédent. En effet, dans tous les coins de la ville on rencontre maintenant de nombreuses petites maisons de café à l’enseigne d’un Turc tenant une cafetière à la main. Les marchands de boissons alcoolisées, jaloux du succès de ces nouveaux venus, se mettent eux-aussi à vendre du café, en fraude, provoquant la colère justifiée des cafetiers patentés. Marie-Thérèse apaise enfin ces querelles incessantes en 1747 en autorisant les cafés à vendre eux-aussi des boissons alcoolisées.[…].

La Bouteille-Bleue

Le café arriva à Vienne d'une façon curieuse et intéressante, qui peut se qualifier d'historique. En cette année 1683, à la suite de l'invasion puis du siège de la capitale par les troupes de l'Empire ottoman conduites par le grand vizir Kara Mustapha Pacha, des jours sombres s'étaient abattus sur l’Autriche. Vienne était complètement encerclée par les troupes ottomanes. Les vivres commençaient à manquer, et, ne croyant plus en leur salut, les Viennois songeaient à déposer les armes, tant leur désarroi était grand.
Le citoyen polonais Franz-Georg Kolschitzky, interprète de son état, après s'être proposé comme volontaire, s'était vu confier l'importante et dangereuse mission de porter un message au duc Charles de Lorraine afin d'obtenir des renforts. Déguisé en citoyen turc, Kolschitzky accompagné de son serviteur Mihalowitz franchirent les remparts et réussirent à se faufiler à travers les lignes ennemies. Leur allure désinvolte leur permit de passer inaperçus, Kolschitzky n'eut pas de difficultés à s'exprimer avec l'envahisseur car, en tant qu'interprète, il dominait à merveille les langues turque et arabe - il avait séjourné à maintes reprises chez les Osmanlis.
Les troupes de Charles de Lorraine et de ses alliés écrasèrent l'envahisseur turc et mirent ses armées en déroute laissant un impressionnant butin : chevaux, chameaux, comptoir. moutons sur pied par dizaines de milliers, blé, riz, huile, miel, qui permirent de faire face à la famine. Parmi ces denrées se trouvaient également cinq cents sacs remplis de graines inconnues, que les Viennois supposèrent être un aliment pour les chameaux. Ne sachant qu'en faire, ils brûlèrent un premier sac, quand l'odeur parvint aux narines de notre héros qui passait dans les parages. « Que faites-vous, malheureux? S'écria-t-il, vous brûlez du café!... » Après quelques palabres, il réussit à se faire remettre les sacs.
A la suite de son action héroïque, Kolschitzky reçut en récompense la citoyenneté autrichienne, une maison et le droit d'ouvrir un commerce. Dès lors, son avenir était tout tracé : c'est ainsi que naquit le célèbre Zur Blauen Flasche ou La Bouteille-Bleue, le premier débit de café ouvert à Vienne en 1683, rue du Dôme, à l'ombre de la cathédrale.
La nouvelle boisson n'obtint guère de succès, et Kolschitzky, dont le stock des cinq cents sacs remplis de la précieuse fève ne diminuait pas, décida que si le café à la turque ne plaisait pas à ses hôtes, il leur servirait donc du café « à la viennoise ». Pour la première fois il filtra l'infusion à travers un tamis pour en ôter le marc. Pour l'adoucir il mit un peu de miel et ajouta quelques cuillerées de crème. Ce fut un succès ! – qui dure encore aujourd'hui. Pour parfaire cette réussite, il demanda à un boulanger de lui confectionner des petits pains en forme de croissant pour accompagner la boisson. Les Viennois dégustèrent avec ravissement ce gâteau qui leur rappelait la défaite de l'envahisseur. Telle fut l'origine du croissant qui accompagne le café du petit déjeuner.
Une statue de Kolschitzky fut érigée à Vienne, elle le représente avec des tasses sur un plateau reposant sur sa main gauche, tandis que de la droite il verse à l'aide d'une cafetière ce savoureux breuvage si cher au cœur des Viennois et des Autrichiens, qui firent d'un petit traducteur Polonais un héros national.
A la mort de Kolschitzky en 1696, la relève fut assurée par quatre limonadiers, qui eurent le privilège de fonder une nouvelle corporation ;
celle de « Maîtres Brûleurs de Café ». Ce nouveau métier fut expressément créé par le roi Léopold Ier par un décret promulgué le 16 juillet 1700. Cette loi, très stricte, interdisait à toute autre personne de torréfier le grain, et de posséder quelconque établissement où la boisson fût servie, rééditant en quelque sorte une situation analogue à celle vécue en France huit ans plus tôt sous le règne de Louis XIV avec le sieur Damame...[…]
En 1779, Marie-Thérèse taxa fortement les boissons alcoolisées, de telle manière que le café gagna du terrain dans tout le pays devenant la boisson nationale. Le café et les lieux où on le servait prirent une importance capitale dans la vie et dans le cœur des Autrichiens et particulièrement des Viennois.
S'asseoir dans un café et boire du café devint pour les Autrichiens une nécessité impérieuse. La journée d'un Viennois commence par le frühstück -petit déjeuner-, composé invariablement de café, d'un pot de crème, accompagné de la demi-lune ou croissant, cher à Kolschitzky ;
il est inconcevable de commencer la journée autrement.
A Vienne il y a des cafés, petits et grands, ouverts à tout le monde;
et où chacun possède sa table. C'est son territoire, un peu le prolongement de son foyer ;
son coin intime où on vient lire son journal, rencontrer ses amis, se reposer, ou simplement observer les mouvements de ses voisins. Le café est pour les Viennois une institution. Il y règne une atmosphère calme et de bien-être, où il fait bon vivre. Les femmes ne fréquentaient pas les cafés mais à partir de 1840, elles firent timidement leur apparition, et par la suite furent admises librement quoiqu'elles ne soient pas la majorité. […].

Le café et le croissant

Si les Turcs échouèrent devant Vienne en 1683, le café y remporta l'un de ses premiers grands succès. Rien pourtant ne le laissait prévoir. Vienne s'épuisait à soutenir le siège des armées ottomanes et le moral de la population baissait de jour en jour. C'est la courageuse intervention d'un Polonais nommé Kolschitzky qui lui redonna confiance en la victoire finale.
Kolschitzky, qui connaissait bien le turc, se porta en effet volontaire pour une mission périlleuse : sortir de la ville assiégée, traverser déguisé les lignes ennemies et rejoindre les troupes du duc de Lorraine pour hâter l'arrivée des secours. Sa mission accomplie, il regagna la ville assiégée porteur de nouvelles rassurantes : la victoire était à portée de main. Elle ne tarda pas, en effet, et les Turcs durent lever le siège.
Kolschitzky fut récompensé : il reçut une somme d'argent, le droit de cité, un terrain pour y construire une maison et le droit d'ouvrir un commerce. Mais la fortune allait bientôt lui sourire encore davantage.
Dans le campement abandonné par les Ottomans, on trouva en effet des sacs remplis de grains dont on ignorait l'usage. L'astucieux Polonais, qui savait à quoi s'en tenir puisqu'il avait vécu en Turquie, se les fit remettre : comment refuser cette petite faveur à un pareil héros ?
Quelque temps après, il ouvrait à Vienne une "
boutique à café"
. Au début, les Viennois boudèrent ce breuvage épais et amer, mais Kolschitzky ne se découragea pas.
Il imagina d'utiliser un filtre (jusqu'alors le café était préparé « à la turque ») pour retenir le marc et de servir son café accompagné de lait et de miel : c'était l'ancêtre du café viennois et de toutes les variantes de café-crème à travers le monde.
De plus, il s'associa avec un pâtissier pour offrir à sa clientèle des petits pains doux en forme de quartier de lune qui commémoreraient la victoire sur les Turcs.
Nos croissants et autres "
viennoiseries"
en sont les descendants directs.

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Message par breizh Dim 11 Mai 2008 - 7:26

Des petits pains doux en forme de quartier de lune. c'est très joli ça pour décrire nos croissants. sourire très intéressant cet article Gabé ! super Tout ce passé dans notre tasse de café, on va la savourer encore un peu plus désormais !!! :clin2
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