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Au pays du foie gras, bien manger est affaire de plaisir

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Au pays du foie gras, bien manger est affaire de plaisir Empty Au pays du foie gras, bien manger est affaire de plaisir

Message par gabé Ven 8 Fév 2008 - 12:35

Au pays du foie gras, bien manger est affaire de plaisir.

Dans celui du hamburger, la chose semble bien plus technique. Telles sont, entre autres, les conclusions de Manger (Odile Jacob), passionnante enquête que le sociologue Claude Fischler a menée auprès de six mille personnes dans six pays.


Claude Fischler fréquente depuis longtemps un ami américain passionné de gastronomie, dont le comportement alimentaire n'a cessé de le surprendre. Ce psycho-sociologue qui adore les glaces Berthillon débarque de l'avion de New York à 6 heures du matin, fonce droit sur l'île Saint-Louis, attend l'ouverture de la boutique et s'y précipite pour déguster glaces et sorbets. "
Et pas qu'une, mais tous les nouveaux parfums. A n'importe quelle heure, par n'importe quel temps."


Son comportement est tout aussi déroutant au restaurant où, lors d'un repas foie gras, il tient à manger l'escalope chaude avant la terrine froide en dépit des usages français. "
Il n'obéit à aucune règle, sinon les siennes."
C'est ainsi (en partie) qu'est venue l'idée au sociologue Claude Fischler, directeur de recherches au CNRS, de comparer Américains, Français et Européens face à l'alimentation dans une enquête qui a duré plusieurs années et concerné plus de six mille personnes dans six pays : Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie et Suisse.

Le résultat, publié dans le livre Manger : Français, Européens et Américains face à l'alimentation (Odile Jacob), est sans appel : il existe une véritable fracture alimentaire entre les pays anglo-saxons et leurs homologues européens, particulièrement nette entre la France et les Etats-Unis.
*Le divorce commence dès l'interprétation du mot nourriture (food). Pour les Américains, "
il s'agit de nutrition ;
il s'agit de la sphère du personnel et même de l'intime ;
il s'agit de liberté et de responsabilité individuelles. Chez les Français (...), c'est plutôt le registre de la sociabilité et de la commensalité (le partage de la table) ou, pour le dire dans le langage des interlocuteurs, de la convivialité"
.


On comprend mieux l'usage inflationniste de ce mot dans les messages publicitaires et les communiqués de presse de l'agroalimentaire…

CONVIVIALITÉ CONTRE NUTRITION

Si la santé est présente dans tous les discours, "
elle est directement, explicitement et pour ainsi dire techniquement affirmée "
par les Américains mais "
elle est secondairement ou implicitement présente dans les propos européens, en particulier continentaux, comme l'un des effets nécessaires du bien-manger plutôt que sa substance même "
.

Ce bien-manger dépend du produit, qui est envisagé différemment de part et d'autre de l'Atlantique. Pour un Italien, c'est "
manger peu et bon, des choses saines, des choses non surgelées, les choses du jardin, de la viande de première qualité, du bon vin"
ou, pour une Française, "
manger de la bonne qualité, des produits frais, des produits variés, c'est manger équilibré"
. Les Américains évoquent peu les qualités gustatives ou sensorielles des produits. Ils les considèrent plus sous un angle diétético-sanitaire : "
Manger les aliments et les légumes dont vous savez qu'ils garderont votre corps sain, rester à l'écart des choses trop grasses même si c'est bon, essayer de prendre cinq petits repas par jour pour faire fonctionner votre métabolisme."


Pour les uns, "
la santé procède de cet ordre général dans lequel la qualité des produits, leur naturalité et leur fraîcheur sont le garant de l'équilibre"
et pour les autres, "
elle procède de la somme des décisions des individus qui doivent être fondées en science et en raison"
, analyse Fischler.

LE PLAISIR

L'occurrence du mot "
plaisir"
dans les réponses des personnes interrogées souligne cette différence : un Français y fait référence cinq fois plus qu'un Américain. "
Le rapport français à l'alimentation se caractérise par deux dimensions que l'on peut résumer par deux mots-clés : plaisir et convivialité. Les deux termes sont complémentaires et nécessaires l'un à l'autre : pour bénéficier de la légitimité à laquelle il peut prétendre, le plaisir doit satisfaire à une exigence importante, celle du partage et de la sociabilité. C'est le plaisir pris en commun, alors que la gratification solitaire, comme dans d'autres domaines, reste pour le moins suspecte."


En France et en Italie, l'accent est mis sur la forme du manger – repas structuré, horaires fixes, ordre des mets, partage autour de la table –, qui découle naturellement d'une culture et de traditions qui semblent s'imposer d'elles-mêmes. Finalement, dans ces pays, il est assez "
simple"
de bien manger, même si l'on déplore la perte de goût et de qualité par rapport aux "
produits d'antan"
.

En revanche, pour les pays anglophones, qui trouvent les aliments plus sains aujourd'hui, l'affaire paraît plus compliquée pour l'individu qui doit affronter une masse d'informations scientifiques ou commerciales – souvent contradictoires – avant de faire son choix personnel. "
Serait-ce que trop d'information tue l'information ?"
s'interroge Fischler.

Deux autres questions illustrent cette fracture. Interrogés sur leur choix face à deux glaciers qui proposent au même tarif, l'un cinquante parfums différents et l'autre une sélection de dix parfums, les anglophones préfèrent l'abondance alors que les continentaux européens se satisfont d'un choix restreint. "
Une majorité de répondants américains ne veulent décidément laisser à personne le soin de faire le choix pour eux ni même de les aider dans cette tâche, par exemple par une présélection…"


Réactions également diamétralement opposées au moment de s'acquitter de l'addition. Pour une table de quatre personnes, les Français divisent la note en quatre parts égales, les Américains paient chacun pour ce qu'ils ont consommé. Toujours la même opposition entre la commensalité et l'individualisation.

DU "
TRADITIONNEL"
VERS UNE MODERNITÉ "
INDIVIDUALISTE"


JP Géné

Interrogés sur quatre représentations métaphoriques de la relation entre le corps et les aliments (l'arbre, le temple, la voiture et l'usine), Français et continentaux choisissent largement l'arbre, qui renvoie "
à la nature, à l'identité locale, à l'ancrage ou l'enracinement dans un terroir et une culture, à un équilibre entre l'homme et son environnement"
. Anglais et Américains privilégient les métaphores mécaniques, qui renvoient à une conception de l'alimentation fonctionnelle, quasi technique. "
Le mangeur se vit en somme comme ingénieur de son corps et de sa propre alimentation qu'il lui faut concevoir et construire pièce à pièce."
La pompe à essence où l'on vient faire le plein plutôt que la table où l'on se ressource.

Ces comportements, aggravés par l'inégalité des ressources, ont donné le résultat que l'on sait aux Etats-Unis : 30 % d'obèses, cinq fois plus qu'en France. *
Faut-il craindre que le modèle américain de la "
nutrition rationnelle et personnalisée"
finisse par dominer celui du "
partage et de la commensalité"
en vigueur chez nous ? La logique populaire le voudrait, puisque "
tout ce qui se passe aux Etats-Unis arrive ici vingt ans après"
. Celle du marché, source d'érosion des habitudes et des traditions, semble également y conduire : la junk food et les boissons gazeuses poursuivent leur progression parmi les jeunes générations, séduites par le snacking, le grignotage permanent.

La fascination avouée du nouveau président pour l'Amérique du hamburger ne peut qu'y contribuer. Pourtant, Claude Fischler – sans optimisme exagéré – explique que la France peut résister à cette évolution générale du "
traditionnel"
vers une modernité "
individualiste"
. "
Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain"
, proteste-t-il en soulignant que, chaque jour à 12 h 30, 54 % des Français sont toujours à table.
Le pic de fréquentation ne concerne que 17 % des Anglais, à 13 h 10. Mieux, 80 % de la consommation des fast-foods ont lieu aux heures des repas, preuve d'une belle persistance de ce rituel, creuset de la "
socialité"
qui caractérise les Français. "
En outre, nous sommes à un moment où les problématiques de l'environnement et de la santé sont en train de s'amalgamer, où l'industrie agroalimentaire, attaquée de toute part, doit redorer son image ;
où, plutôt que d'assommer les gens à compter les calories et les Oméga 3, on se préoccupe de la nourriture des cantines scolaires."
Tous ces éléments créent, selon lui, un cadre favorable à une meilleure résistance du modèle "
convivial"
français. Les résultats de l'enquête indiquent cependant une tendance à l'érosion : "
Le fait que les jeunes, de sexe masculin, les plus éduqués, les plus citadins et les moins croyants soient, dans tous les pays, plus du côté de l'individualisation semble bien montrer que l'on est en présence d'un processus de changement généralisé à travers toutes les cultures envisagées."


Rendez-vous dans vingt ans. Pour une nouvelle enquête.

source: le MOnde

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